La tragédie de Paul Varry, un cycliste de 27 ans percuté mortellement par un SUV à Paris, a ravivé les débats sur la sécurité à vélo et les responsabilités des usagers de la route. Le refrain souvent entendu — les cyclistes "ne respecteraient pas le code de la route" — omet de prendre en compte une réalité : les cyclistes, en quête de sécurité, doivent parfois adapter leurs pratiques pour éviter des dangers auxquels ils sont particulièrement exposés. Comme l’explique Frédéric Héran dans un article publié sur TheConversation.com, cette adaptation est souvent dictée par un code de la route mal adapté aux spécificités des cyclistes et des piétons. L'universitaire y défend la nécessité de prendre en compte les spécificités des déplacements à vélo, qui sont bien différentes de celles des véhicules motorisés.
Les spécificités des déplacements à vélo
Le code de la route, conçu initialement pour les automobilistes, se montre souvent inadapté aux besoins des cyclistes. La nature même de leurs déplacements — plus lents, sans carrosserie protectrice, et souvent en équilibre précaire — les pousse parfois à enfreindre certaines règles pour garantir leur sécurité. Par exemple, en l'absence de pistes cyclables, les cyclistes ont tout intérêt à avancer jusqu'au feu ou même à se positionner devant les véhicules pour éviter les angles morts, un geste qui peut sauver des vies, bien qu'il soit techniquement interdit.
De même, dans les intersections, anticiper le feu vert peut permettre aux cyclistes de traverser sans être coincés au milieu des voitures qui redémarrent. Ces pratiques, si elles peuvent sembler imprudentes pour certains, traduisent en réalité une adaptation aux dangers quotidiens auxquels les cyclistes doivent faire face.
Les règles implicites de sécurité des cyclistes
Au-delà du code officiel, les cyclistes doivent souvent intégrer des règles implicites de prudence. Par exemple, même en ayant la priorité, un cycliste doit toujours vérifier qu’aucun véhicule ne déboule de façon inattendue avant de s’engager. Les cyclistes savent aussi qu’ils doivent se méfier des portières qui s’ouvrent et garder une distance suffisante des véhicules stationnés.
Cette vigilance constante est renforcée par des éléments spécifiques au vélo : sans habitacle, les cyclistes perçoivent mieux les bruits et mouvements autour d’eux. Ils ont aussi l’habitude de gérer leurs efforts physiques en réduisant arrêts et détours. Ces adaptations favorisent leur sécurité, mais montrent aussi à quel point le code de la route actuel est mal adapté à la réalité des cyclistes.
Moderniser le code de la route pour mieux protéger les cyclistes
Pour réduire le décalage entre les pratiques des cyclistes et le code de la route, plusieurs pistes d’amélioration sont envisageables :
Revoir les règles aux intersections : autoriser les cyclistes à traiter certains feux comme des "cédez-le-passage" leur permettrait de mieux gérer leur sécurité.
Favoriser les passages piétons pour les manœuvres risquées : par exemple, autoriser les cyclistes à utiliser les passages pour tourner à gauche pourrait les protéger.
Encourager la distance avec les véhicules stationnés : une recommandation explicite de circuler à un mètre des véhicules stationnés pourrait limiter les risques de collisions avec des portières ouvertes.
Aménagements et infrastructures : vers des villes plus sûres pour les cyclistes
L'adaptation du code ne suffit pas ; il est essentiel de repenser l’infrastructure urbaine pour assurer une cohabitation sécurisée entre cyclistes et autres usagers. Depuis 2021, la Ville de Chartres s'engage, à l'instar de villes comme Bordeaux ou Grenoble, dans une démarche visant à réduire le nombre de feux en modérant la vitesse de circulation, un choix qui limite les comportements dangereux et fluidifie la circulation. Pour aller plus loin, développer les pistes et bandes cyclables, aménager des zones à circulation réduite, et créer davantage de quartiers sans transit (où seuls les riverains peuvent circuler) permettraient de réduire encore les accidents.
Vers une reconnaissance des spécificités du vélo
Les cyclistes sont des usagers vulnérables qui font face à des risques disproportionnés en comparaison des automobilistes. Adapter le code de la route et les infrastructures pour intégrer leurs besoins spécifiques est essentiel pour réduire les accidents et favoriser un usage du vélo en toute sécurité. Plutôt que de reprocher aux cyclistes leurs ajustements pratiques, il est urgent que le code et les aménagements urbains évoluent pour mieux prendre en compte la diversité des usagers et des modes de transport.
À ce titre, la Ville de Chartres a pris une initiative inspirante en introduisant un "Code de la Rue" au sein de son Guide des déplacements en ville, encourageant notamment les cyclistes à maintenir une distance d’un mètre des voitures stationnées pour éviter les incidents. Une telle démarche, qui adapte les règles aux particularités de chaque mode de déplacement, devrait inspirer de nombreuses autres villes soucieuses de favoriser la sécurité et le respect mutuel entre usagers.
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